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Ma


à Moi

(Référence 16710)

texte et photos par Bruno Cracco (sauf mentions spéciales) - Février 2002

 

 

Je me suis offert des tas de montres dont je n'avais pas réellement besoin, toutes avec une excuse plus ou moins heureuse, souvent basée sur le côté outil manquant à ma panoplie : des montres de plongée pour mes promenades subaquatiques, des chronographes pour mesurer tel ou tel événement. Vous prenez d'ores et déjà conscience du côté fragile de ces excuses : pourquoi quatre montres de plongée ? Pourquoi trois chronographes ? Passons, je l'ai dit, ce ne sont que des excuses.
Selon ce bon principe, il fallait se rendre à l'évidence : il me manquait cruellement une montre pour voyager. Oui, c'est ça, une montre pour aller loin, là où l'heure est différente de celle de ma maison. Et pour appeler ma chère et tendre, prendre des nouvelles du chat ou des poissons quand je suis à l'étranger, il faut bien que je sache l'heure qu'il est au pays, non ?

Ceci étant acté et le besoin irrépressible identifié, il fallait avant tout que ce soit une montre qui réponde à mon cahier des charges minimum et obligatoire habituel:

J'ai recensé toutes les montres qui pouvaient remplir la fonction "heure chez moi" indispensable tout en correspondant à mon cahier des charges. Comme à mon habitude, j'ai fouillé dans toutes les documentations que je possédais, j'ai cherché sur le web, je me suis promené dans les bijouteries, bref, je suis parti en chasse. A ce propos, c'est de loin la phase que je préfère dans la névrose qui m'atteint et je crois ne pas être le seul. Lors des discussions de thérapie de groupe que je fréquente et que nous appelons "Dîners horlogers" par pudeur, il revient assez souvent dans les avis que le meilleur moment de la CHI est celui où ayant provisionné le budget, on se lance dans la quête de LA montre. Les problèmes de conscience étant évacués, il ne nous reste alors plus qu'une seule idée en tête : se faire plaisir, point ! Et un gros plaisir en général. Cette sensation d'euphorie atteint son paroxysme à l'hallali puis décroît assez vite. Il y a certainement quelque chose qui apaise l'orage électrique qui secoue les centres nerveux de notre cerveau reptilien là dessous. Il ne reste plus alors qu'à attendre la prochaine crise.
Mais nous nous égarons et revenons donc au récit de mes exploits de chasse. Au bout de quelques temps, j'avais écarté les montres pas assez étanches et pas assez solides. J'avais également écarté les montres un peu trop macho car certain de mes changements de fuseau horaires sont professionnels. En fait, il ne restait pas grand chose. J'ai un temps considéré la IWC UTC avec son TZC (c'est poétique hein ?), mais elle n'a pas de lunette et je ne suis pas trop attiré par les montres dépourvues de cet accessoire. Au fait, puisque je vous sens interrogatif, TZC est pour Time Zone Correction.

De l'expérience Sea-Dweller, je retirais d'autre part une très grande satisfaction quant aux produits de la Maison Rolex. Il était donc tout naturel que je regarde ce que cette manufacture proposait dans ce domaine. Les deux modèles à complication, car s'en est une, GMT de Rolex sont actuellement la Explorer II et la GMT MASTER II.
Par goût personnel, je n'aime pas trop les cadrans blancs. Or je n'avais croisé que des Explorer II à fond blanc jusqu'au jour où, poignet de l'un de nos amis de Chronomania, j'ai vu une Explorer II à fond noir. Ce fut un choc. L'Explorer II devenait possible. Mais, après avoir fixé mon dévolu sur celle-ci et en avoir quasiment acheté une qui m'a (heureusement ?) filé sous le nez, j'ai reconsidéré ce choix et me suis intéressé de plus près à la GMT MASTER II, en réalité plus profondément inscrite dans mes souvenirs.

Puisque vous lisez ces lignes, vous avez compris que c'est cette dernière que j'ai choisie. Voici donc un petit descriptif de la bestiole que j'ai tenté de faire différent de celui de la Sea-Dweller, avec laquelle elle partage un certain nombre de caractéristiques. Cependant, au-delà de l'indication d'une deuxième heure sur 24 heures, elle présente des variantes subtiles par rapport à sa grande sœur qui la rendent différente.


Vue d'ensemble

La GMT-MASTER II 16710 fait partie de la série Oyster Perpetual Date. Comme ses sœurs, elle est étanche telle une huître, automatique d'où la perpétuité de son tic-tac et elle présente le quantième, autrement appelé date. Elle est également membre de la série Professionnelle de Rolex avec les SubMariner, Sea-Dweller, Yacht-Master et Explorer tout court et II.
Quatrième dans la série des Rolex de pilote de ligne à complication GMT, elle descend assez directement de sa devancière, la GMT-MASTER dont elle reprend le design et certains principes. Cependant, les différences sont notables, tant au niveau du mouvement (fonctionnement de la complication) que de l'extérieur d'ailleurs. Pour mieux mesurer les différences, je vous invite à aller lire la revue de la GMT MASTER 16750 de mon ami Alain.

 

La boîte

La boîte de la GMT MASTER II est, comme celle de sa sœur, la Sea-Dweller, en acier inoxydable, type 904L. Sa finition est irréprochable, comme on pouvait s'y attendre de la part de Rolex. Mais ce n'est pas parce que c'est habituel qu'il faut minimiser la performance. Comme sa grande sœur la Sea-Dweller, elle présente deux types de finitions : un très beau poli miroir impeccable sur les côtés, et un brossé bien maîtrisé sur le dessus.

C'est une boîte assez grande qui fait un diamètre théorique de 40 mm mais dont les dimensions sont en réalité, 47,5 mm du bout d'une corne à l'autre, et 42 mm en comptant la couronne. Elle est donc légèrement plus longue, d'une corne à l'autre qu'une Sea-Dweller (46,5 mm) mais moins large, en grande partie à cause de sa couronne de petite taille.

Mais surtout, comparée à ses sœurs, elle est très fine. L'épaisseur est de 12,1 mm sans la loupe. Ceci est à rapprocher de celles d'une Submariner qui fait, sans la loupe, 12,8 mm ou encore d'une Sea-Dweller qui fait 14,8mm.

Les Sea-Dweller et Submariner, de par leur vocation de montres des grandes profondeurs (1220m et 300m respectivement) ont été renforcées. Le fond de la boîte et le verre plus épais contribuent tous deux à cette surépaisseur.

Couplé à la forme enveloppante du boîtier dont les cornes descendent sur les côtés, cette finesse rend la montre très confortable et elle se glisse facilement sous la manche de la chemise. Enfin, elle se cale parfaitement sur le poignet et ne tourne pas du tout.

Le fond de 35,5mm de diamètre est bien sûr vissé et muni du système d'ouverture Rolex qui a deux avantages : D'une part il est joli, d'autre part il permet d'ouvrir la montre sans laisser de marques car l'outil spécifique ne peut pas riper.
Au centre de ce fond une pastille, brossée, de 20mm de diamètre et vierge de tout marquage, reçoit à la sortie de l'usine une sorte d'autocollant vert frappé du logo Rolex et de la référence du modèle, dorés. La peinture verte assez difficile à enlever contient un hologramme qui présente un motif reprenant le nom de la marque stylisé. Cet autocollant permet par son épaisseur d'empêcher le positionnement de l'outil, et donc l'ouverture du boîtier entre sa sortie de l'usine, pardon, la manufacture, et le moment où vous partez avec de chez le marchand. Rassurant. De plus, par la sophistication de sa fabrication (les hologrammes dorés sont dans la peinture/colle verte !), il garantit que vous avez à faire à une montre originale.
Entre la piste du système d'ouverture et la pastille centrale, un anneau poli vierge.

La boîte de la GMT MASTER II est une bonne boîte, bien fabriquée et bien finie. C'est ma deuxième Rolex et le moins que l'on puisse dire est qu'il s'agit encore d'un travail impeccable, sans chichi, mais sans faute.

 

La Lunette

La GMT MASTER II est actuellement proposée au catalogue avec trois lunettes différentes.


image propriété de son auteur

La première, l'originale (enfin presque) dessinée pour la Pan-Am et qui était apparue sur la GMT MASTER "tout court" réf. 6542 en 1954 (nom déposé en 1955) est rouge et bleue. Le rouge pour les heures du jour (de 6h à 18h), bleu pour les heures de nuit (de 18h à 6h). Cette dernière est souvent appelée lunette "Pepsi-Cola" par les amateurs de ces montres.
La seconde version est toute noire. Elle est très discrète et la montre, de loin, ressemble à s'y méprendre à une Submariner date. La troisième, celle qui équipe ma montre, est rouge et noire. Elle est donc un mélange des deux précédentes.
Il est à noter que contre la modique somme de 30€ tout compris (pièce et main d'œuvre), un horloger agréé Rolex vous changera l'insert pour celui de votre choix.

Pour être franc, je n'ai pas choisi cette lunette. Les GMT MASTER II étant assez rares chez les marchands, j'ai pris ce qu'il y avait. Au départ, ma préférence allait à un insert tout noir. Je me suis alors dit qu'il serait toujours temps de le changer si je n'arrivais pas à m'y faire. Eh bien, à l'usage, je l'aime beaucoup cette lunette bicolore et je ne songe plus à la changer. D'une part, cela démarque d'avantage la GMT de ma Sea-Dweller et en plus, son petit côté coloré un peu "fun" me plait. Le rouge étant en réalité bien moins pétant que sur les photos, il passe très bien, même en costume.

La GMT est dotée d'une lunette graduée sur 24 heures. Cette lunette est bidirectionnelle et peut prendre 120 positions. Ces 120 positions permettent la lecture de l'heure dans n'importe quel fuseau horaire de notre bonne vieille planète. Ce tour de force est expliqué un peu plus loin, dans le chapitre " Bon, super tout ça, mais comment ça marche ? "


il est... 17h ! Mais où ça ?

La lunette est en acier poli, crantée sur son pourtour afin que la manipulation en soit précise. Elle résiste assez fermement mais comme c'est l'usage avec les excellentes lunettes Rolex, elle est freinée et il suffit d'appuyer dessus pour la libérer. Ainsi, on ne risque pas de se retrouver à appeler au pays en se trompant d'heure parce que la lunette a tourné accidentellement.

La partie figurant les 24 heures est un insert en bakélite. Au 12, un triangle argenté marque minuit. La GMT n'étant pas une montre de plongée, ce triangle n'est pas luminescent. L'alignement des marqueurs de la couronne avec les index du cadran est tout simplement parfait.

La couronne

La couronne est située à 3 heures. Ce qui frappe, dans le bon sens, est sa finesse. Il faut dire que je suis habitué aux couronnes de montres de plongée et de chronographes d'aviateur qui sont en général surdimensionnées pour pouvoir les attraper avec des gants de plongée ou de vol. Or, si la GMT MASTER II est une authentique montre de pilote (commandée au départ par feu la Pan-Am pour son personnel navigant), elle est destinée en priorité aux pilotes qui ne portent pas de gant dans les cockpits climatisés et confortables de leurs Concorde et autres Boeing 777.

Elle ne fait que 2,5 mm de longueur (à comparer avec les 4 mm de celle d'une Sea-Dweller) pour 5.3 mm de diamètre.
Sa petite épaisseur fait qu'elle est particulièrement bien protégée par les deux épaules qui l'encadrent de part et d'autre et dont elle ne dépasse quasiment pas.
Elle est en acier, poli miroir et crénelée et frappée à son extrémité de la couronne à cinq branches soulignée par un petit trait. Ce petit trait témoigne du système twinlock à trois joints : 2 pour assurer l'étanchéité Tube/couronne, 1 pour l'étanchéité tube/carrure, en métal celui là,
Ce troisième joint n'est présent que pour les modèles portant des références à 5 chiffres (16710 pour la mienne). Sur les modèles portant des références à 4 chiffres, le tube est différent et ce joint n'existe pas.


Système Twinlock
monté sur les montres dont la références a 5 chiffres
(image d'origine Rolex)

Elle est, bien entendu, vissée pour assurer l'étanchéité à 100m pour laquelle la montre est donnée.

Là encore, loin de permettre une étanchéité au niveau de celle qu'exigerait un plongeur de la COMEX, ce système vissé à deux joints suffit largement aux exigences d'un plongeon dans une piscine ensoleillée de Kuala Lumpur lors d'une escale. Enfin, le sérieux de Rolex dans la fabrication de ses montres permettra à notre voyageur de pratiquer occasionnellement la plongée de loisir jusqu'à 50m sans problème avec cette montre étanche à 100m (voir, pour s'en convaincre, l'article "La fin d'un mythe ou comment tordre le cou à un serpent de mer").

 

La glace

La glace est en Saphir, comme sur toutes les Rolex de sport moderne. Elle est parfaitement plate, elle dépasse un peu du plan de la lunette et elle est biseautée. Beaucoup moins épaisse que celle des Submariner et à plus forte raison que celle de la Sea-Dweller, elle dépasse moins du plan de la lunette que sur ses deux sœurs. Elle en est néanmoins très proche et partage avec elles cette caractéristique discutable de n'être pas traitée contre les reflets. Mais, comme sur la Sea-Dweller, les aiguilles et les index restent lisibles quand même dans bon nombre de position et sous de nombreux éclairages. Certainement grâce au fait que ces éléments sont en or blanc poli qui reflètent, eux aussi, très bien la lumière et qui par-là, contraste assez bien finalement avec les reflets.

Il reste la différence essentielle par rapport à la Sea-Dweller : la loupe cyclope sur la date !
Au départ, la loupe me rebutait. Je l'ai déjà exprimé dans la revue de la Sea-Dweller, cette loupe me dérange. D'un point de vue rationnel, tout joue contre elle, à part le fait qu'elle remplisse admirablement sa fonction : Simuler une sorte de "grande date" rendant le quantième très facile à lire, même pour les humanoïdes à la vue basse. Cependant, c'est largement au détriment de la lisibilité des minutes autour du quart. De plus cette protubérance, signe extérieur de la Maison, fait qu'il n'échappe à personne que c'est une Rolex ou une copie. Enfin, pour un maniaque de la propreté des glaces comme moi, ce piège à saleté m'impose de plus fréquents et plus méticuleux coups de manche sur le verre.
J'ai très sérieusement pensé à la faire enlever (c'est possible parait-il) mais pour l'instant, je la laisse et je verrai. Je suis presque en train de m'y faire. De plus, comme la lunette bariolée, cela lui donne un côté plus "casual" et ça la différencie encore un peu plus de la Sea-Dweller.

 

Le cadran

Comme sur toutes les Rolex modernes, le cadran est en émail. De ce fait, Il est noir brillant, ce qui surprend de prime abord puisque l'on est face à une montre de sport, outil d'aviateur et que je suis habitué aux fonds mats pour ce type de garde temps. Mais, comme celui de sa sœur, il est parfaitement réalisé.
La piste des minutes court tout le tour. Elle est totalement identique à celle que l'on trouve sur la Sea-Dweller et toutes les Rolex de sport (petits traits fins pour toutes les minutes, des traits un peu plus épais pour les heures).

Avec ses sœurs, elle partage également les index appliqués en Or blanc. Au 12, le triangle de bonne taille, les deux rectangles au 6 et au 9, et enfin les 8 disques pour les autres heures. La réalisation est parfaite et aucun décalage par rapport à la piste des minutes n'est décelable. Les index sont, bien sûr, remplis de peinture au tritium.

Le guichet de la date est exactement de la même taille que celui de la Sea-Dweller et remplace le rectangle que l'on aurait pu trouver à cet endroit. La date est imprimée en noir sur fond blanc.

Du côté littérature c'est, comme à l'habitude avec Rolex, assez complet. Au 12, la couronne à cinq branches, surmontant "ROLEX" en capitales d'imprimerie sérifées, le tout souligné de "OYSTER PERPETUAL DATE". Jusque là, c'est exactement comme toutes les Rolex sportives, avec date.
La seule différence avec ses sœurs se situe dans la première des trois lignes de texte situé au 6, car pour le reste, c'est identique. On peut lire "GMT-MASTER II" sur la première ligne, puis le classique "SUPERLATIVE CHRONOMETER" suivi du "OFFICIALLY CERTIFIED". Pas d'indication de résistance à la pression puisque là n'est pas sa vocation première.

Une autre différence, mais c'est une question de millésime et non de modèle, au 6, dans la piste de minutes, on peut lire en tout petit "SWISS - T<25".

Si le "SWISS" parle de lui même pour peu que l'on fasse le rapprochement avec "Confédération Helvétique" exprimé dans la langue de James Brown, le "T<25" mérite quelques éclaircissements. Ce marquage correspond à une mention plus ou moins obligatoire que devaient arborer les objets contenant une dose, aussi infinitésimale soit-elle, de matériau radioactif. Or, à cette époque (1998), la peinture luminescente qui permet de lire l'heure dans le noir, était à base de Tritium (d'où le "T"). Le Tritium est un matériau radioactif qui émet spontanément des rayonnements bêta lesquels excitent un pigment à base de phosphore présent dans la peinture à laquelle il est mélangé. Ce phosphore, excité, émet une lumière verte, suffisante pour que l'on puisse la voir dans l'obscurité. Le "<25" explique aux anxieux et au législateur que ce rayonnement est inférieur à 25 Becquerels, limite fixée par les autorités en dessous de laquelle, l'heureux porteur de la montre ne risque pas de se transmuter par combustion spontanée sous l'effet du puissant rayonnement. Bref, c'est de la communication pour rassurer le consommateur citoyen du siècle dernier.
En ces temps marqués par une prise de conscience écologiques, le Tritium a disparu des cadrans de montre, remplacé par un ersatz appelé Luminova ou Super Luminova, s'affranchissant lui d'un combustible nucléaire pour fabriquer de la lumière.

Ma Sea-Dweller étant de 2001, elle ne possède pas de peinture au tritium mais celle qui l'a remplacée depuis. Je peux donc comparer les deux. La différence entre la peinture au tritium et la Luminova est flagrante au moment où l'on éteint la lumière et au petit matin. Au moment du passage à l'obscurité, la Luminova est littéralement chargée de lumière (les scientifiques disent excitée) et elle brille de milles feux, éclairant l'environnement. Puis, sa puissance décroît pour se stabiliser à une valeur tout à fait honorable. La peinture au Tritium, elle, est beaucoup plus régulière. Si elle est tout de même un peu sensible à l'excitation par des photons, elle est plus discrète. Par contre, elle se stabilise à une valeur bien plus élevée que la Luminova et elle prend alors l'avantage, pour quelques années. Au sortir du coffre, la GMT est donc bien plus brillante que la Sea-Dweller.
Il faut noter que malgré son archaïsme technologique et écologique, la peinture au tritium de la GMT est parfaitement blanche, et cela, même au bout de 4 ans.

La GMT-MASTER II possède quatre aiguilles.

Les trois aiguilles classiques sont parfaitement identiques à celle des autres Rolex de sport (ou gamme Professionnelle dans le discours de la Manufacture). Ce sont les désormais célèbres, indémodable et tant copiées aiguille Rolex. Une très élégante lance pour les minutes, une aiguille squelette "Mercedes" pour les heures et une baguette avec deux disques pour la trotteuse, dont un peint avec de la peinture luminescente nous donnent l'heure.

Mais la GMT propose une quatrième aiguille. Celle-ci est longue, fine et terminée par un triangle de bonne taille. Elle est plus longue que l'aiguille des minutes et se prolonge donc jusque dans les marquages des minutes. Elle est particulièrement longue car son échelle est à l'extérieur du cadran, sur la lunette. Elle fait le tour du cadran en 24 heures. Comme ses sœurs, elle est réalisée en or blanc et elle est peinte d'un rouge pétard plus vif que le rouge de la lunette. Le triangle présent à son extrémité est rempli de peinture au tritium et il apparaît très clairement et distinctement dans le noir. Bien sûr, la réalisation des aiguilles est sans faille.

Les quatre aiguilles sont totalement distinctes et d'un très rapide coup d'œil, on sait l'heure qu'il est ici, à la maison et, avec un petit effort, dans un troisième fuseau horaire. Cette lisibilité à fait l'objet d'une étude fine pour se conformer à un cahier des charges rigoureux. Les aiguilles de l'heure locale sont blanche et larges (donc elles attirent plus l'oeil que la rouge). La flèche de la seconde heure, quant à elle, se promène dans la zone des index et il faut donc la "chercher" pour la voir. Néanmoins, la fine tige rouge permet de la trouver très rapidement en partant du centre.
Sincèrement, l'ergonomie visuelle de ce système est un chef d'oeuvre. Le parcours de l'oeil a été pensé et du coup, c'est d'une efficacité redoutable.

Le cadran de la GMT, tout en présentant des similitudes impossibles à renier avec ses sœurs Oyster Perpetual Date de sport, se démarque par cette quatrième aiguille qui constitue d'ailleurs une bonne partie de la particularité de cette montre.

Le bracelet

La GMT-MASTER II est équipée en standard d'un bracelet de la série Oyster, comme toutes les montres de la série Oyster. Il porte la référence 78360.

Comme je le mentionnais dans la revue de la Sea-Dweller, les bracelets ne sont pas le point fort de Rolex.

Ma GMT-MASTER II est dotée des fameuses pièces de bout embouties. Elles portent la référence 558B. Elles sont constituées d'une feuille d'acier emboutie et cela tranche quand même assez fortement avec ce qui se fait dans son segment de prix. Elles viennent s'insérer dans l'entre cornes qui fait 20mm

Elles sont brossées, comme le bracelet et le dessus du boîtier et la transition est discrète. L'ajustement avec les cornes, de part et d'autre est bien réalisé et la jointure avec le premier maillon est finalement assez élégante. Le défaut principal de ces pièces est leur mobilité qui fait qu'elles pivotent autour de l'axe des pompes lorsque le bracelet est serré. Cela malgré la présence de deux petites oreilles sensées la maintenir en position mais l'élasticité de la pièce rend cet artifice insuffisant. Cependant, à l'usage, tout cela est loin d'être catastrophique et de toute façon reste assez sérieusement fait.

Le bracelet est sinon constitué de maillons en acier très bien finis et assemblés avec des vis. L'ajustement ne se fait que par maillons entiers. Les trois berlingots constituant chaque maillon sont brossés dessus et dessous. Les côtés de chaque maillon sont eux polis. J'aime cet aspect entièrement brossé : Cela rend le bracelet plus résistant aux rayures.

Mais, le gros défaut de ce bracelet est sa boucle déployante.
Elle est intégralement réalisée en tôle d'acier emboutie. Elle présente un fini brossé sur le dessus et poli sur les côtés. Elle est frappée de la couronne et elle est très plate, contrastant fortement en cela avec celle de la Sea-Dweller. Elle n'est pas munie d'un étrier de sécurité, ce qui ne me rassurait pas. Par contre, elle ne s'ouvre pas toute seule loin s'en faut puisqu'il faut même y aller franchement pour l'ouvrir.
Les deux lames de la partie déployante sont en tôle emboutie et pliée, frappées du logo vintage de Rolex, avec les arabesques. Elles sont encore plus décevantes que la partie extérieure de la boucle. Elles dégagent une impression de fragilité assez gênante. Deux nervures pratiquées à l'emboutissage empêchent juste qu'elles ne se plient. Ceci dit, à l'usage, c'est plus une impression de fragilité qu'une réelle faiblesse. Mais quand même, lorsque l'on compare ces lames à ce que l'on trouve chez les concurrents, ça fait très pauvre.
Il faut toutefois noter que la boucle permet un ajustement fin de la longueur du bracelet en décalant le point d'encrage sur la boucle de la partie du bracelet partant du 12.

Ce bracelet se révèle très confortable à l'usage et il ne tire pas les poils. Son poids total assez élevé équilibre celui de la montre qui ne tourne pas du tout sur le poignet.

Au bilan, les maillons qui sont bien finis et assemblés avec des vis font de ce bracelet une pas si mauvaise réalisation qui aurait mérité une boucle digne d'elle et des pièces de bout massives.

 

Le mouvement

Le mouvement animant la GMT-MASTER II est un mouvement maison, pardon, de manufacture. Il est dérivé du 3135 qui motorise les autres Perpetual Date (comme la Sea-Dweller). Il répond pour l'occasion au doux nom de 3185.
Comme l'excellent 3135 dont il est dérivé, le 3185 possède 31 rubis, un balancier Microstella, un spiral de Bréguet, la date qui saute d'un coup, une finition sommaire mais efficace et tout le reste. Pour plus d'information, lire les caractéristiques de ce mouvement dans la revue de la Sea-Dweller.


Attachons-nous plutôt à ses différences par rapport à son père.
L'épaisseur du 3185 est légèrement supérieure à celle du 3135 puisqu'elle s'établit à 6,45mm. Cette surépaisseur est bien entendu à imputer à la complication. Pour le diamètre, c'est identique soit 28mm.
La différence fondamentale par rapport au 3135 se situe donc au niveau de la complication: la fonction GMT.
Contrairement aux apparences, l'aiguille qui est montée sur la complication n'est pas la grande aiguille qui tourne en 24 heures mais bien la petite aiguille des heures. La complication gère également le système de date.
En effet, la grande aiguille des 24 heures est solidaire de celle des minutes. Seule la démultiplication change par rapport au 3135 puisqu'il faut faire 24 tours avec l'aiguille des minutes pour faire un tour de la grande aiguille des heures. Tout ceci n'est en réalité qu'une histoire de dents. La mise à l'heure se fait sur le troisième cran de la couronne et le mouvement s'arrête alors sous l'effet du stoppe seconde, autorisant une mise à l'heure à la seconde près.

La vraie complication c'est l'aiguille des heures, la petite, celle qui fait un tour en 12 heures et qui indique l'heure locale qui en fait l'objet. En effet, il est possible d'ajuster cette heure par saut d'une heure. Au début, c'est assez curieux. On tourne la couronne lorsqu'elle se trouve sur le deuxième cran et l'aiguille saute par pas d'une heure, en avant et en arrière. Détail non négligeable, la date est couplée à cette heure là. Elle saute lorsque l'on passe minuit, elle aussi en avant et en arrière. La modification du mouvement pour accueillir cette complication s'est faite au détriment du changement de date rapide. Ce que je pensais au début être un petit inconvénient n'en est pas un tant il est rapide d'avancer ou de reculer (ce qui n'est d'ailleurs pas le cas avec le 3135) la date en faisant avancer ou reculer les heures. Enfin, lors de cette manipulation (mise à l'heure locale et/ou changement de date), le mouvement n'est pas arrêté et la marche n'est donc pas perturbée.

Il faut noter que la réalisation et le réglage de ce système sont incroyablement précis. En effet, les aiguilles sont absolument et parfaitement alignées, même celle qui saute, et cela en tout point du cadran, avec tous les décalages possibles. La date saute impeccablement à 00h05:30 tous les jours et d'un coup, sans signe avant coureur. Rolex précise dans le manuel d'utilisation que l'on peut être obligé de reculer un peu plus loin (jusqu'à neuf heure) pour faire sauter la date en arrière avant d'avancer de nouveau pour mettre l'aiguille sur 23h par exemple.

Quand je l'ai eue, ma GMT retardait imperturbablement de 8 secondes par jour. C'était trop. Je l'ai fait régler (merci Clément) et elle est maintenant à +0 (zéro... si si, en réalité +1 seconde par mois ! Mieux que du quartz) secondes par jour, tout aussi imperturbablement. Une fois réglée pour le porteur, elle est capable de prouesses dignes de la réputation de Rolex. Cela m'amène à constater que la régularité de marche des montres de la Manufacture de Bienne est remarquable, certainement en partie grâce au spiral de Breguet.

Un très bon mouvement en somme, doté d'une complication au fonctionnement judicieux et très fonctionnel et réalisé selon les standards de la marque, c'est à dire sans faute.

 

Bon, super tout ça, mais comment ça marche ?

Alors là, ça se complique. Nous avons vu que pour le prix qu'ils en demandent, les gens de Rolex nous donnent :

Avec ça, la brochure dit que l'on peut connaître l'heure qu'il est dans trois fuseaux horaires différents, en même temps !
Mais comment cela est-il possible ?
Premièrement, choisissons les heures que l'on veut voir d'un seul coup d'œil : la maison pour prendre des nouvelles de la petite hôtesse d'Air France avec qui l'on a passé la soirée d'hier, Kuala Lumpur puisque l'on est au bord de la piscine et que l'on ne veut pas rater le dîner avec la petite chef de cabine de JAL qui est arrivée ce matin et enfin à New-York pour appeler l'hôtesse de KLM qui arrive après demain. La vie de pilote de ligne est quand même palpitante non ? Il fallait bien une GMT-MASTER II pour gérer tout ça.
Notre pilote à alors deux options : soit il fait le pro' et il a mis la grande aiguille rouge sur l'heure universelle (anciennement appelée GMT et devenue UTC), soit il a fait le malin et il l'a réglée sur l'heure de Paris.

Prenons le premier cas : Il a réglé l'aiguille rouge sur l'UTC.
A Paris, la petite aiguille des heures avançait d'une heure par rapport à la Rouge. Donc, à 13 heures à l'aiguille rouge, il était 2 heures (14h) à la petite aiguille.
Quand il est arrivé à Kuala Lumpur en provenance de Paris, il a avancé la petite aiguille des heures de 7 crans (Paris est en GMT+1, Kuala Lumpur en GMT+8, ça fait +7 de différence). Au passage, la date a peut être sauté, mais il n'a pas à gérer cela, c'est toute la magie de la chose (pour peu qu'il respecte le signe du décalage +/- selon le sens dans lequel il se déplace).
Pour connaître maintenant l'heure qu'il est à New York (qui est en GMT - 5), il lui suffit de faire tourner la lunette jusqu'à aligner 19 (24 - 5) avec l'index au 12. Là, l'aiguille rouge lui donne en lecture directe sur la lunette l'heure qu'il est à New York.
Pour connaître l'heure qu'il est à Paris, il lui suffit d'aligner le 1 (0+1) avec le 12 et en lecture directe il a l'heure de Paris.

Dans le deuxième cas, s'il a réglé l'aiguille rouge sur l'heure de Paris, en arrivant à Kuala Lumpur, il a avancé de 7 heures et la date a sauté si nécessaire. Jusque là, pas de différence avec le Pro'. Ensuite, en alignant le triangle de la Lunette avec l'index au 12, il lit directement l'heure de Paris. Si maintenant il veut savoir l'heure qu'il est à New York, il fait un petit calcul et aligne le 18 de la lunette avec l'index au 12 (Paris = GMT+1, New York = GMT-5, donc la différence entre Paris et New York est de 6 heures et 24-6=18 !). Elémentaire mon cher Watson.
C'est cette dernière option que j'ai retenue pour le réglage de ma GMT.

Avant de conclure, lorsque notre Pilote de ligne reviendra à Paris, il fera reculer la petite aiguille de 7 crans et il sera à la bonne heure, à la bonne date (car la date saute dans les deux sens).

La boîte, les gadgets et les papiers

J'ai acheté cette montre d'occasion à l'excellent Shonie Herbath de Armadale Watch Gallery à Melbourne. Je n'ai donc, ni les livrets, ni le portefeuille Rolex, ni le certificat du COSC, ni les Gadgets. Ce n'est pas grave car j'ai quand même la boîte et la sur-boîte en carton.
Pour la description de ces boîtes, je vous invite à consulter la revue de la Sea-Dweller, ce sont exactement les mêmes, aux petits autocollants près puisque sur celle de la GMT, s'il y a bien la petite gommette noire, l'autre indique 16710.

Conclusion

Ben voilà ! La boucle est bouclée.
Dans la revue de la Sea-Dweller, je racontais comment une GMT au poignet de "Jo" avait fait naître en moi un désir sourd mais toujours bourdonnant d'avoir une montre d'homme de son temps. C'est fait ! Et je suis particulièrement content d'avoir acheté cette GTM-MASTER II.

Le prix catalogue de la belle est aujourd'hui exactement le même que celui d'une Submariner Date (3910€). Franchement, si j'avais à choisir, je prendrais la GMT-MASTER II plutôt que la Sub. Bon, je dis ça mais j'ai une Sea-Dweller qui rend totalement inutile la Sub mais je pense que même si je n'avais pas la Sea-Dweller, c'est ce choix que je ferais. Du coup, je la prendrais peut-être avec la lunette toute noire pour la plus grande polyvalence mais ce n'est même pas sûr, tant la lunette "Jane Mas" me plait. Et à l'usage, elle se révèle assez discrète finalement.

Je m'habitue peu à peu à la loupe et je ne me lasse pas de regarder les aiguilles tourner. Le rythme décalé des aiguilles ressemble à une lente danse qui transforme le cadran, le déséquilibrant temporairement pour mieux l'équilibrer quelques minutes plus tard. Au porter, elle est extrêmement agréable et la qualité de fabrication est parfaite. Bref, je l'adore.

Amitiés

Bruno Cracco - Février 2002

Le site de Rolex, bien sûr : www.rolex.ch
une animation 3D trouvée sur le site de Rolex qui propose un voyage à l'intérieur d'une montre : insidearolex.mpeg (4Mo)

Le site The Ultimate Rolex Forum : www.newturfers.com (une mine d'informations)

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